"Il y a des histoires étranges dans les familles. Des secrets, des choses inavouables, inavouées, quelquefois terribles, sur lesquelles les adultes se taisent, comme si le silence pouvait étouffer la réalité, et, qui sait, la faire disparaître .
On accompagne l’auteur en Suède, dans le quotidien bourgeois d’une famille du 19e siècle. Hulda, 17 ans, fraîchement sortie du couvent, s’éprend de Léonard, son voisin professeur de français, de plusieurs années son aîné. Bientôt enceinte, elle devient son épouse, malgré les réticences de son entourage. Si les premières années du couple se déroulent sans encombre, Hulda n’a pas la carrure pour diriger une maison et élever les quatre enfants qu’elle a mis au monde.
C’est alors que Livia entre au service de la famille. Froide, distante, mais professionnelle, la jeune gouvernante remet de l’ordre dans le quotidien parti à vau l’eau et redonne confiance à la douce et languissante mère, lui apportant également secours lorsque - conséquence d’un revers de fortune - tous doivent s’expatrier à Meudon. Seul ombre au tableau : c’est aussi dans les bras de Livia que Léonard trouve réconfort, se consolant de ses déboires professionnels et d’une relation de couple qui s’étiole…
Dans un style ciselé et littéraire, Marie Sizun suggère, plus qu’elle ne décrit, les émotions multiples et diffuses de deux femmes éprises, en toute conscience, d’un même homme. Un triangle amoureux révélateur de la complexité des sentiments et reflet d’une société féminine bourgeoise résignée, prisonnière des carcans et non-dits.
Des confortables salons suédois à la froideur des murs meudonnais, l’auteur excelle à dépeindre l’atmosphère de lieux qui s’imprègnent des émotions mêlées des personnages et en exhalent la subtilité et le tragique. Un roman digne d’un classique de par son style et sa teneur.
Marie Sizun, La Gouvernante suédoise, Folio, 2018.